mardi 6 juillet 2010

Ironman de Nice : l'accomplissement

3,8km de natation, 180km de vélo et un marathon voilà les trois défis à surmonter pour devenir un Ironman.
Depuis que j’ai commencé les sport d’endurance je me suis toujours posé deux questions, la première : « qu’est ce qui pousse un athlète à aller toujours plus loin ? » et la seconde « quelles sont les limites ? »
Ces mêmes questions sont également posées par différentes personnes. On se demande souvent pourquoi une personne endure autant de souffrance pour atteindre la ligne d’arrivée.
Peut être à travers mon récit, je vais pouvoir m’éclairer et vous éclairer sur la question du « Pourquoi ? » « Pourquoi faire tout cela ? » « Qu’est ce que cela rapport de surmonter un défi aussi dur ? ».
J'espère à travers mon récit (qui comporte pas mal de fautes), je pourrais vous faire partager mes ressenties sur cette épreuve.

Genèse de l’idée

Lors de ma préparation à mon premier marathon, celui de paris en 2009 je me suis blessé au tendon d’Achille pour maintenir mes capacités cardio-respiratoire, je me suis mis à nager vers novembre 2008, comme je me déplace en vélo à Paris, le défi de triathlon vient naturellement, il a suffit que je surf sur internet et que je visualise quelques vidéos sur l’IronMan pour me dire « Woaw ! » nager 3,8km, pédaler pendant 180km et faire un marathon, je me suis dit « ça c’est le défi ultime pour moi ! », je me suis fixé comme objectif vers janvier 2009 d’effectuer l’IronMan en 2010, l’année de mes 30ans, quoi de mieux pour fêter cette barre symbolique et devenir un trentenaire en acier. J’avais donc un an et demi pour me préparer avec comme coach moi-même. Avec aucune connaissance en triathlon, en course de longues distances mais beaucoup de connaissance en arts martiaux (ceinture noire en karaté) je suis parti à la conquête de l’IronMan.

Préparation

Le défi du marathon décidé suite au défi d’effectuer Paris-Versailles (16km) devient seulement une étape pour que je puisse terminer l’IronMan. Pour monter en puissance, je me suis fixé des étapes intermédiaires : réussir un 100km et réussir un ultratrail.
J’ai décidé de me forger une endurance à toute épreuve à travers la course à pied avant de me préparer spécifiquement au triathlon.
Pour moi l’épreuve que je crains le plus est la natation, au début après 25m de crawl, je suis tout rouge et essoufflé, il faut d’abord surmonter les 3,8km de natation afin d’avoir la possibilité de faire 180km en vélo et le marathon.
Ma préparation est fortement axée sur la natation, il faut que le jour de l’épreuve je puisse nager 3,8km en crawl sans fatiguer mes jambes et sans être essoufflé.
Comme j’habite à Paris, il n’est pas évident de faire du vélo donc la course à pied me permettra de me forger des jambes en acier.
En terme de compétition j’arrive à l’IronMan avec 1 marathon, 2 ultramarathons, 2 triathlons courte distance comme expérience :
05/04/2009 : 1er premier marathon 4h et 24s
31/05/2009 : 1er triathlon Enghien (1,5km, 40km et 10km) en 2h54min
26/09/2009 : 1er 100km de Millau en 14h25min
03/12/2009 : 1er ultratrail de 75km départ à 22h30 en 13h47min
30/05/2010 : triathlon Enghien en 2h44
27/06/2010 : IronMan de Nice
A la sortie de l’hiver 2010, j’ai commencé ma préparation en vue de l’IronMan, en mars, avril et mai. Au cours de ces trois mois, j’ai cumulé 140km de natation, 830km de vélo et 510km de course à pied. Lors de ces trois mois ma vie personnelle tournait seulement autour du triathlon, je ne me suis jamais autant entraîné dans ma vie, j’effectuais 3 semaines d’entraînement intense (au moins 15h/semaine) pour une semaine de récupération. Tous les jours je faisais au moins une séance d’entraînement, le week end je faisais 5 ou 6 entraînements. Par moment j’étais désespéré de voir mon niveau en natation stagner, j’étais sur une montagne russe d’émotions, des jours je ne me sentais pas capable de relever le défi de l’Ironman, c’est un défi impossible, d’autres où j’étais pleins d’optimiste.
Le doute était constamment présent. L’inconvénient de ne pas avoir de coach est que je devais faire face seul à mes peurs, mes angoisses et mes doutes. Je doutais de mes capacités, de mes méthodes d’entrainement. Mais j’ai également eu de la chance d’avoir beaucoup de support et de soutien de la part de mes proches, de mes amis, des athlètes motivants avec qui je partage ma passion à travers les blogs, les coureuses/coureurs et l’équipe d’Aide et Action, ces personnes jouent le rôle de coach, m’aident à surmonter mes doutes, me motivent à supporter les entraînements. Par exemple un ami rencontré lors de mes séances de natation m’aide à analyser ma technique, me force à travailler mon endurance. Même si le triathlon est un sport d’effort individuel, la présence des autres est nécessaire.

Les heures précédentes le départ

J’ai décidé de me rendre sur l’IronMan de Nice en train, c’est plus sur pour transporter mon vélo, lors de mon voyage j’ai rencontré Hervé, un triathlète bien joviale qui va également effectuer son premier Ironman. En arrivant à Nice vendredi soir, grâce à Pascal un triathlète connu à travers les blogs, j’ai pu participer à la pasta party où j’ai englouti une bonne dose de pâte, semoule, riz …
La préparation matérielle pour un triathlon est stressant, il faut penser à différentes choses pour chaque discipline. Samedi à moins de 24h du départ, je passe ma journée à préparer mes affaires, à vérifier mon vélo et à faire enregistrer mon matériel. Le parc à vélo est impressionnant avec des milliers de vélo le tout faisant quelques millions d’euros.
Ensuite, la nuit fut courte, comme le départ est à 6h30, j’ai mis mes trois réveils pour 4h, ma montre Polar, un réveil et le portable, une précaution inutile. J’ai très mal dormi, je me suis réveillé en sursaut vers 2h puis impossible à me rendormir profondément, je n’étais même pas surpris par mes alarmes.
A mon réveil, j’ai mangé des compotes, du pain d’épice et quelques biscuits comme petit déjeuner puis je me dirige vers le parc à vélo pour déposer mes bidons, vérifier mes pneus, la crevaison et le pneu à plat sont les hantises des triathlètes. Ensuite je me plonge petit à petit dans la course, je visualise le parcours et la transition.

3,8km d’essorage rapide

Etant donné que j’ai pu faire 4km en 1h15 en piscine il y a quelques semaines, je me place dans le sas du 1h14; erreur de débutant, nager à la piscine n’est pas pareil qu’en mer avec 2700 personnes.
Comme lors du semi marathon de Paris, la chanson « I gotta feeling » hurle dans les sonos avant le départ moi aussi je suis sur que « tonight’s gonna be a good night ».
A 6h30 précise, le départ est donné, je fais quelques pas hésitant sur les galets de Nice et dès que je plonge dans l’eau c’est le combat, ça cogne de partout, les coups de pied, de bras fusent de tous les côtés; un bras à gauche, une jambe à droite, je suis gêné par d’autres nageurs devant, on essaie de me passer par-dessus. Il faut nager en crawl water polo avec la tête hors de l’eau pour voir ce qui se passe, pour respirer et pour défendre son espace vital. Après quelques centaines de mètres, la mer est plus calme. Je perds pas mal d’énergie dans ce combat du départ, le répit est de courte durée car à la première bouée, le combat reprend et les coups fusent de tout part.

Après un kilomètre, j’ai plus de place pour nager, c'est agréable mais malheureusement j’ai le col de ma combinaison qui m’irrite le cou, c’est assez gênant mais j’en fais abstraction, ces irritations se sont transformées en brulure après le parcours. Je profite un peu de la fraîcheur de l’eau et du soleil matinal pendant un kilomètre avant de reprendre le même combat à l’approche de la sortie australienne. J’effectue la première partie 2400m en 53min, j’ai perdu énormément de temps dans les contacts, dire que les pros sont déjà sortis de l’eau et attaquent leur parcours en vélo, tandis que moi, je vais devoir effectuer la deuxième boucle de 1400m. La deuxième boucle est plus agréable que la première mais je ressens un peu de fatigue, j’ai bien envie d’aller à la plage et de m’allonger sur transat avec le soleil qui me chauffe le torse et le visage après cette épreuve de natation. Nager en eau libre avec beaucoup de concurrent dénature ma nage également, j’essaie seulement de propulser l’eau en arrière pour avancer. Je suis loin des bons principes théoriques où il faut bien allonger son corps, aller chercher loin devant puis bien casser le coude.



A l’approche de l’arrivée, un dernier petit combat puis on revient sur la terre ferme avec le brouhaha du public. Je me rince rapidement sous la douche pour enlever le sel sur mon visage puis je cours en enlevant ma combinaison, je prends mon sac vélo, j’avale quelques compotes, je mets mes chaussures de vélo, les lunettes, le casque, je range ma combinaison, je passe devant un bénévole pour mettre la crème solaire sur les épaules, je dépose mon sac, je cours jusqu’à l’emplacement de mon vélo, je vais rapidement au petit coin puis je prends mon vélo. J’ai déjà effectué tout cela mentalement avant la course et pendant l’action j’avais l’impression d’enchainer « rapidement »… j’ai mis 8:54 pour faire tout cela tandis que les pros mettent 2 à 3min ! !
J’ai effectué les 3.8 km de natation en 1:22:59 à la 1821ème place. J'ai navigué entre le plaisir et le déplaisir. J’ai perdu beaucoup de temps dans les contacts. Conformément à mes prévisions, je ne suis pas trop entamé après la natation, je n’ai pas utilisé beaucoup mes jambes, la combinaison et l’eau de mer m’aident à flotter.

180 km à bicyclette

« Quand on partait de bon matin » … vers 8h j’ai débuté mon parcours vélo. « Nous étions quelques bons copains », plus de 2700 d’athlètes prêts à avaler des kilomètres de chemins sous un soleil de plomb. Un parcours agréable dans l’arrière pays niçois, mais profitons-nous du paysage sur un Ironman ?
L’épreuve que je crains le plus, mon point faible. Pour les connaisseurs, je suis un des rares triathlètes à avoir un triple plateau, 50, 39 et 30 et une cassette 12x25 mon assurance tout risque pour grimper partout.
Le départ est agréable, les jambes tournent tout seul, je double pas mal de cyclistes. Avant le 20ème km arrive la côte de Condamine 500 m à 10% qui met à terre quelques cycliste, je franchis l’obstacle en 30x25 la plus petite vitesse. Le paysage est agréable, avec quelques arbres qui nous protègent du soleil par endroit, le début du parcours est agréable, une belle ballade par un beau temps. Après 45km se dresse sur notre chemin la première difficulté de la journée, 20km de montée qui met à mal mes jambes et mon système cardio-respiratoire, j’essaie de rester entre 155 et 160 puls/min, rester dans ma zone aérobique afin de ne pas produire beaucoup d’acide lactique et de me préserver les jambes pour le marathon. Vers 13h, après 70km et 20km de montée où je tire la langue, je franchis enfin le col de l’Ecre, à partir de là je rentre dans le dur, depuis le début de la journée, je n’ai mangé que du sucré, des barres, des gels énergétiques, de l’eau sucré, j’ai envie d’un bon plat de viande avec des féculents. Il fait chaud, fini l’échauffement, ma course de vélo commence maintenant.

Après 100ème km, je grimpe difficilement la côte de Saint Pons à seulement 3-4% pendant 7 km, elle me semble interminable, j’ai l’impression de revivre les 100km de Millau avec ses montées usantes et cassantes moralement où on grimpe, on grimpe et on grimpe. J’utilise mon plus petit plateau et je mouline. Le cadre est magnifique mais je m’en fiche complètement, mon regard est fixé à quelques mètres devant, mon esprit est focalisé sur mes jambes, ma respiration et la chaleur qui m’écrase le dos et les bras. Ces 7km de montée me paraissent plus longue que les 20km pour le Col de l’Ecre.
Entre le 110ème km et 120ème km nous effectuons un aller retour pendant 10km, croiser les coureurs qui reviennent est dur mentalement, à chaque tournant j’espérais atteindre le demi-tour.
Ma position sur le vélo commence à devient inconfortable, le dos, le cou, les bras et les fesses qui réclament un peu de repos. J’en ai ras-le-bol des montées, j’ai un gabarit trop lourd pour un grimpeur et mon vélo n’est pas le plus léger non plus.
Ensuite arrive la dernière difficulté du parcours une montée pendant 2km à 5% suivit de 7% sur 100m, qui me fait dégouter définitivement le parcours vélo de Nice et qui me donne une certitude : « je n’aime pas les montées ! ». Pas mal de coureurs me dépassent.
La logique fait que si on monte, on va forcément descendre. Après le 120ème km arrive les descentes tant attendues arrivent pour faire remonter le compteur de la vitesse moyenne, j’ai pris soin de bien me ravitailler avant les descentes afin que la baisse de l’activité physique m’aide à mieux assimiler les nutriments.
Après l’effort, le réconfort, le compteur de vitesse dépasse enfin les 40km/h et s’approche des 50km/h, à ces vitesses on ne ressent plus la chaleur, la fraicheur du vent rafraichie le visage, les bras et les jambes. Le sifflement du vent est de plus en plus fort, l’adrénaline augmente, j’enchaîne les virages, je fais des relances, mais je reste tout de même prudent, je n’ai pas envie de chuter, un bon paquet de cycliste me dépasse dans les descentes. On voit par moment quelques cyclistes accidentés, cela me calme, je n’ai pas envie de tout perdre en prenant un mauvais virage, j’ai fait le plus dur, je n’ai pas envie de gâcher mon Ironman pour gagner quelques minutes.

A force de freiner mes mains sont engourdies, l’euphorie des descentes fait place maintenant à l’impatience de revenir sur le plat. Dans certaines épingles on sent l’odeur brûlé des freins. Les kilomètres défilent rapidement. Après 160km on arrive enfin sur le plat pour revenir à la promenade des anglais le point de départ. Mon faible volume d’entraînement en vélo se fait sentir. La position du cycliste me fait mal partout, je n’ai même pas envie de me mettre en position aérodynamique allongé sur les prolongateurs et mes plantes de pieds de mon font mal à force de pousser dans des chaussures rigides de vélo. Je suis partagé entre l’envie de finir mon calvaire en vélo et de me préserver pour le long marathon. J’utilise des petites vitesses et je mouline beaucoup pour ne pas fatiguer mes jambes. Le vent de face rafraichi mais nous ralenti en même temps.

L’arrivée sur la promenade des anglais me booste mentalement, j’aperçois les triathlètes sur le marathon, les spectateurs nous encouragent, j’ai hâte de les rejoindre et j’ai l’impression de rouler pendant des heures avant d’arriver au parc vélo.
Je termine enfin l’épreuve du vélo après 7h de pédalage, je donne mon vélo à un bénévole. Le parc à vélo est presque rempli, c’est dur moralement pour mon esprit de compétiteur, beaucoup d’athlètes m’ont dépassé en vélo.

Après ces 180km, j’ai mal partout, cou, épaules, dos, fesses … mais je ne me suis pas trop épuisé, j’ai bien géré mes efforts, je me suis bien alimenté et hydraté. Je mérite bien ma réputation de gros mangeur, je peux manger tout et n'importe quoi.
Je passe rapidement au petit coin pour m’alléger, je prends mon sac de running, je m’installe sur une chaise et je prends un peu de temps pour avaler mes compotes, j’aime bien les compotes car elles sont nourrissantes et hydratantes en même temps. Je mets les chaussettes, les chaussures puis je me dirige calmement vers le départ du marathon. J’ai pris 9min 42s pour ma transition, certains me diront que j’ai profité pour prendre un pastis sur le transat avant de partir pour le marathon. Mes sensations en vélo est à l'inverse du dénivelé du parcours, beaucoup d'appréhension lors des montées et beaucoup d'excitation lors des descentes.

On a coutume de dire que l’ironman commence seulement au marathon et je pense que les vieux n’ont pas torts. A la sortie de la zone de transition j’entends le speaker qui annonce l’arrivée du vainqueur Marcel Zamora, il a un marathon d’avance sur moi, des années lumières … nous ne venons pas de la même planète !

42,2 km sisyphesque

Quel est le sentiment de celui qui a déjà effectué 3,8km de natation suivi de 180km de vélo avant d’attaquer le marathon ? Un sentiment de soulagement, pour moi attaquer le marathon après ces deux épreuves est un soulagement, je me disais que le plus dur est fait dans 42,2km, je vais réaliser mon rêve. Seulement le plus dur n’est pas derrière moi, mais devant moi ! Je vais entrer dans une zone inconnue, je n’ai jamais effectué 180km de vélo suivi d’un marathon. Une tâche sisyphesque m’attend sous un soleil de plomb.
Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe fut condamné à faire rouler éternellement, un rocher jusqu’en haut d’une colline dont il redescendait chaque fois avant de parvenir à son sommet.
Le parcours du marathon est constitué de 4 boucles de 10,5 km à parcourir sous un soleil de plomb sans ombre à 35° avec heureusement 12 points de ravitaillement et de douche pour se rafraîchir. Le jeu est simple et consiste à prendre 3 chouchous qui ouvrent la porte de l’arrivée lors du dernier tour.
Je démarre le marathon sans trop de difficulté, je surveille mon cardio-fréquencemètre afin de ne pas dépasser 155 puls/min, à ce stade d’effort une mauvaise gestion pourra me faire marcher pendant des dizaines de kilomètres et des heures. Je marche lors des ravitaillements pour prendre le temps de manger un morceau de banane, de TUC ou de gel et de m’arroser complètement. Je ressors des points de ravitaillement trempé de la tête au pied mais après quelques minutes, je suis sec avec la chaleur. Effectuer des boucles est dur mentalement, car on arrive à apercevoir au loin le demi-tour et on côtoie des triathlètes qui ont déjà au moins un chouchou. Pendant mon premier tour, je regarde avec envie ceux qui ont déjà leurs chouchous.
Après un aller-retour en 1h, j’attrape avec soulagement mon premier chouchou preuve que j’ai bouclé un tour, je suis sur un rythme de 4h au marathon. La zone d’arrivée est bien animée, les spectateurs nous encouragent nominativement, on a envie d’y rester pour faire la fête.

Je commence à sentir la fatigue et mes jambes qui se durcissement, j’ai envie de dormir. J’attaque le deuxième tour avec prudence, je contrôle toujours mon cardio-fréquencemètre pour ne pas aller trop vite, je ferme par moment mes yeux pour essayer de grappiller quelques éphémères secondes de sommeil. La troisième féminine me dépasse, c’est impressionnant, j’entends derrière moi « serrez à droite, serrez à droite » puis hop elle me dépasse et ensuite elle disparaît petit à petit de l’horizon. Je commence à avoir du mal à avancer, je mets plus de temps lors des ravitaillements. J’ai plus de mal à recourir et mes pieds commencent à être trempé à force de m’arroser d’eau. J’entre petit à petite dans la zone « galère » où l’esprit et le corps rament pour me faire avancer.
J’ai l’impression que la deuxième boucle s’est allongée, je l’ai effectué en 1h06. J’ai maintenant deux chouchous, je regarde avec compassion les personnes ne possédant pas de chouchou mais je regarde avec jalousie celles qui en ont déjà trois ! Je croise RunningMike qui ne semble pas être en forme avec sa faible préparation.
La punition d’aller défier Philippidès après 180km de vélo, est de porter son poids sur la promenade des anglais jusqu’à l’aéroport de Nice puis revenir au départ.

La troisième boucle est un vrai calvaire, j’attends avec impatience les points de ravitaillements qui sont espacés d’environ 1,7km, mes jambes ont du mal à avancer, les ampoules me font mal au pied à chaque foulée. Je passe plus de temps à marcher après les ravitaillements. Je commence à sentir les crampes. Je décide alors de réduire la longueur de mes foulées et augmenter un peu la cadence, il ne faut pas que je m’arrête, si je marche je suis « foutu ». J’ai l’impression que la boucle s’allonge, j’attends avec impatience le demi-tour qui semble s’allonger indéfiniment à l’horizon. Les points de ravitaillement sont également des sources de motivation, atteindre un point de ravitaillement signifie que j’ai déjà effectué au moins 1,7km et que la ligne d’arrivée se rapproche de la même distance, à ce stade je raisonne trivialement. Il m’a fallu 1h15 pour aller chercher mon troisième chouchou. J’ai commencé à craquer après le semi-marathon. Je n’ai plus besoin de surveiller mon cardio, mes pulsations cardiaque n’arrivent pas à grimper mon allure est trop faible. J’ai enlevé mes lunettes de soleil pour que la lumière me réveille. J’en ai marre de faire des allers-retours, de trainer inlassablement ma carcasse d’un bout à l’autre. Si je parviens à garder la même allure, dans 1h15 je pourrais gouter au repos du guerrier. Sur la promenade des anglais, je croise Pascal un triathlète avec qui j'ai partagé plusieurs repas de pâtes, exténué j'arrive à peine à le reconnaître, je lève rapidement mon bras pour le saluer et je continue à porter ma carcasse à l'autre bout.

Récupérer le troisième chouchou me donne un nouveau coup de « boost » au mental, pour soulager mes douleurs aux jambes, j’essaie de penser aux choses agréables, je me projette sur l’arrivée, dans 10,5 km je pourrais enfin lever les bras au ciel, dans un peu plus d’une heure, je serai enfin un ironman !
La dernière boucle est longue, tout les sentiments négatifs surgissent « Pourquoi je me fais aussi mal ? », « Après cette course, j’arrête la course à pied. », « Quel parcours à la c… ». Je prends mon mal en impatience, je me focalise à mettre un pied devant l’autre, je pense aux encouragements, aux soutiens que j’ai reçus et je me projette sur sans cesse sur l’arrivée. Le cauchemar du triathlète est d’effectuer ces boucles jusqu’à la fin de ses jours, c’est pire que de porter un rocher jusqu’en haut de la colline … quoi que, le marathon est plat, je préfère ma condition à celle de Sisyphe.
J’avance péniblement mais j’avance, l'importance est d'avancer quelque soit la vitesse, peu à peu j’atteins le demi-tour à l’aéroport puis je franchis enfin la barre des 40 km, la fin est proche, je compte les minutes, les secondes qui me restent à courir. Je ne m’arrête pas au dernier ravitaillement pour me diriger directement vers la ligne d’arrivée cela fait des mois et des mois que j’attends ce moment et des heures sous un soleil de plomb à penser à cet instant !
Le public nous encourage sur les derniers mètres, la zone d’arrivée est douce avec la moquette bleue, un dernier effort pour grimper sur le portique, tous les sentiments négatifs, tous les douleurs disparaissent d’un coup. Je franchis avec allégresse l’arrivée, j’ai relevé mon défi, j’ai parcouru 3,8km de natation, 180km de vélo et un marathon, j’ai relevé ce défi titanesque ! Même si je termine à plus de 4h du vainqueur, j’ai l’impression d’avoir gagné, cela représente une énorme victoire sur soi-même, j’ai maintenant la certitude de pouvoir terminer un ironman, de surmonter un défi qui me paraît impossible jusqu’à la dernière minute, la dernière seconde. Je lève les bras et je savoure ces instants uniques et éphémères qui resteront pour toujours dans mes souvenirs.

J’ai effectué le marathon en 4h31, je suis passé de la 1968ème place après le vélo à la 1590ème place. Un grand merci pour les bénévoles qui ont permis les 2700 triathlètes de se dépasser dans des conditions optimales. Je ne me promènerai plus de la même manière sur la promenade des anglais et je n'écouterai plus de la même manière "I Gotta feeling" des Black Eyes Peas. D'une manière générale, je ne vivrai plus de la même manière.

La plénitude de l’accomplissement personnel

Franchir la ligne d’arrivée joue le même effet qu’un baume guérisseur magique, il efface tous mes douleurs physiques et mentales, je me sens régénéré. J’oublie tous les sacrifices, j’oublie tous les séances d’entraînements à serrer les dents, tous les moments de doutes, d’angoisse, et toutes les émotions négatives. Les souvenirs négatifs font place maintenant à la plénitude, à la fierté, à la joie et au bonheur de l’accomplissement personnel réalisé. De se dire que tout est possible !
Après avoir côtoyé les dieux pendant quelques instantes, reçu la médaille et gouté au sentiment d’invulnérabilité, je redescends rapidement sur terre, je marche en canard pour aller chercher mon sac, mon t-shirt de finisher. L’arrêt de l’activité me fait tourner un peu la tête, je cherche une place pour m’assoir puis j’appelle ma femme et mes proches pour les avertir que je suis arrivé en un seul morceau et vivant. Je vous épargne de mes problèmes pour me lever, aller manger, revenir à l’hôtel et prendre le train le lendemain … Mais comme prévu ce matin « tonight’s gonna be a good night », je m'endors avec le sourire.

Lors de cet IronMan je suis passé par tous les états. L’angoisse de la veille, l’anxiété du départ, l’amitié, le partage avec d’autres triathlètes, l’énervement lors de la natation, le bonheur de nager en plein mer avec le soleil qui m’éblouisse, la fraicheur du vent qui caresse le visage, le découragement lors des montées interminables, l’excitation de la vitesse lors des descentes, le sifflement du vent dans les oreilles, la frayeur des virages, le dégout de manger des barres et des gels énergétiques toute la journée, l’impatience d’atteindre la ligne d’arrivée, les douleurs, la fébrilité, la fatigue extrême, la jalousie des autres triathlètes qui sont sur le point de terminer, la compassion pour les autres ceux qui ont encore des boucles à effectuer … et par-dessus tout l’allégresse, le bonheur et la joie de lever ses bras sur la ligne d’arrivée. Les brefs instants de bonheur sur la ligne d’arrivé effacent toutes les souffrances que j’ai endurées lors de la préparation et les 13h15 d’effort et de combat contre soi.
L’ironman est une expérience extrême mentalement, physiquement, émotionnellement et humainement. A travers cette expérience j’ai beaucoup appris sur moi-même et sur les autres, c’est un défi qui m’a permis de grandir, de gagner en confiance, en conviction personnelle et en solidarité.
Il y a un an et demi, je me suis engagé sur ce défi avec beaucoup de doutes sur mes capacités physiques et sur mes capacités à me coacher moi-même, je ne savais pas si mes méthodes d’entraînement, ma stratégie me permettent d’aller au bout. J’ai également pu réaliser ce défi grâce à vos soutiens, vos supports, vos encouragements sans tout cela je n’aurai pas la volonté, la motivation d’enfiler mon maillot de bain, de monter sur mon vélo et de chausser mes runnings printemps, été, automne et hiver …
S’aligner sur un ironman s’apparente à trouver l’harmonie entre les quatre éléments de base, l’eau pour la natation, l’air pour le vélo, la terre pour la course à pied et le feu pour la passion qui nous anime.

Pourquoi

Revenons à cette question, « pourquoi j’ai fait cela ? », j’ai voulu faire un ironman pour me prouver que je peux le faire, pour vivre une expérience forte et même extrême, pour me sentir vivre avec les émotions fortes. Pour vivre une aventure sportive et humaine unique. Mais aussi parce qu’un désir d’aller plus loin, plus haut m’anime. Je veux tester et voir où sont mes limites, quels sont mes potentiels. Savoir que je peux réaliser une chose que je pensais impossible est la récompense de tous mes efforts. Et parce que les émotions éprouvées sur la ligne d’arrivée sont indescriptibles, un cocktail explosif d'émotions, je ressens un mélange de fierté, de joie, de souffrance, de tristesse, de plénitude, de bonheur ...
Ce défi m'a profondément transformé et qui me permet je l'espère de devenir une personne meilleure.

Prochain défi

Avec l’ironman, j’ai réalisé que l’être humain n’a pas de limites mentalement et physiquement, il peut en permanence repousser ses limites, pour aller toujours plus loin, plus vite. Il existe des doubles, des triples, des déca ou encore des double déca IronMan où les triathlètes effectuent vingt fois la distance de l’IronMan (76 km de natation, 3600km de vélo et 844km de course à pied). Il existe également des courses de 560km dans le désert. Les possibilités pour se dépasser sont illimitées. Même si physiquement et mentalement, nous n’avons pas de limites, je pense qu’il y a une limite à tout cela, lorsqu’on est amateur, lorsqu’on fait une activité pour le loisir, la limite réside dans la capacité à pouvoir sacrifier ses autres activités pour assouvir son désir d’aller plus loin. Avec l’ironman, j’ai du sacrifier ma vie personnelle afin de dégager du temps pour m’entrainer au moins 15h par semaine, ma vie tournait autour des entraînements. Je n’ai pas envie de faire des sacrifices pour aller plus loin, je sais que je pourrais aller toujours plus loin mais cela se fera au détriment d’autres choses. Il n’y a pas que le triathlon, la course à pied dans la vie. Je veux mettre à profit ma volonté, mon énergie pour le bien être de ma famille, pour aider les autres à réaliser leur défi comme par exemple accompagner les coureuses/coureurs d'Aide et Action à relever leur défi du semi-marathon de Paris en 2011.
Je continuerai à nager, à pédaler et à courir pour le plaisir. Mon prochain défi est de devenir un père modèle, les premiers mois ne vont pas être de tout repos :-). Avec ma femme, nous attendons un petit garçon pour fin octobre, un futur ironman ? ;-)
Avec l’arrivée de l’Ironman, j'ai réalisé un de mes plus beaux accomplissements personnels. Je ferme une page de ma vie afin d’ouvrir une nouvelle qui sera je l’espère encore beaucoup plus belle et plus forte émotionnellement et humainement.
Bien que l’avenir soit incertain j’ai désormais une certitude que tout est possible. Nous pouvons réaliser nos rêves les plus fous.

jeudi 1 juillet 2010

Qu'est ce qui est le plus dur, un 100km ou un Ironman?

Je vais essayer de répondre à la question de Gilles depuis Millau : "Qu'est ce qui est plus dur entre les 100km de Millau et l'IronMan de Nice?" A l'époque je disais que 100km de Millau est plus dur qu'un IronMan.
100km de Millau : 14h25 et IronMan de Nice : 13h15. Les temps sont assez proches donc je peux faire une comparaison.
Je vais faire la comparaison selon les critères suivants : préparation, course, récupération.

1) Préparation
- 100 km Millau : ma préparation était dans la continuité du marathon de Paris 2009. Après un petit break en juin 2009 (70km au compteur), j'ai essayé de monter en puissance pendant 3 mois : juillet (180km, aout 106 km, 150km en septembre). J'ai cumulé seulement 436 km d'entraînement en période intense ! ! Moins que lors de la préparation du marathon où j'avais cumulé 550km trois mois avant la course.
Je comprend maintenant pourquoi j'ai eu une grosse défaillance à Millau et je l'ai effectué en 14h25. Je n'avais pas eu assez d'entraînement. Ma chute en vélo où je me suis fracturé les os du visage m'ont complètement perturbé ma préparation, je suis arrivé à Millau avec peu d'entraînement.

- IronMan de Nice : après l'hiver, en trois mois j'ai cumulé 140km de natation 510km en course à pied et 830 km de vélo. Les entraînements étaient prenants, je faisait parfois des semaines à plus de 15h, je nageais presque tous les jours.

Bilan : j'ai effectué presque trois fois plus d'entraînement en volume horaire pour l'Ironman par rapport à Millau. Ma vie personnelle tournait seulement autour de l'IronMan, je ne faisais que nager, courir, pédaler le week-end.
L'IronMan est plus dur en terme de préparation en investissement personnel, en volonté et en motivation.

2) Course :
Millau : avec mon faible volume d'entraînement, j'ai vécu un bagne sur Millau à partir du 60ème km, mes jambes me lâchaient déjà, j'ai du lutter contre les douleurs musculaires pendant presque un marathon. J'ai perdu beaucoup de temps pour les massages environ 1h30 au total. J'ai énormément souffert des douleurs musculaires. Je me sentais bien au niveau mais les jambes répondaient pas.

IronMan : j'ai peu souffert des douleurs musculaires, j'ai subit une énorme fatigue. Sur le marathon, j'ai du lutter contre la fatigue, par moment je voulais m'arrêter pour dormir, je somnolais en courant.

Bilan : j'ai presque autant souffert sur les deux. Un peu plus sur l'IronMan de Nice avec la chaleur, la fatigue et les jambes qui commencent à durcir à partir du semi. J'ai galéré pendant 22km sur l'IronMan, au 100km de Millau c'était 40km ...

3) Récupération :
En deux jours, je n'ai plus de courbatures avec l'IronMan, je peux reprendre mon vélo et rouler normalement comme avant. 100km de Millau est plus traumatisant les jambes, les muscles et les tendons sont plus sollicités que sur l'IronMan.

Bilan : l'IronMan de Nice est moins traumatisant que les 100km de Millau. Mais après ces courses je suis épuisé mentalement, je n'ai plus envie de faire des efforts.

Je pense que l'Ironman de Nice est plus éprouvant que les 100km de Millau si on cumule la préparation et la course. Toutes les longues distances sont durs, le marathon, les 100km et l'IronMan, les types d'efforts sont différents, les objectifs de temps également, la différence entre tout cela, c'est la préparation, j'ai vraiment souffert pour me préparer à l'IronMan.
Pour l'IronMan j'ai pu bénéficié de l'expérience (mental et physique) de l'ultra.
Si on devait partir de zéro, je pense que finir un IronMan est plus dur que finir un 100km.